Posts from the ‘articles’ category

François-Yves Morin – étiquette : couleur [cat.], 1992

Je ne crois pas qu’Hervé Graumann s’intéresse spécialement à la couleur, pas plus qu’il ne s’intéresse aux cartons d’emballage qu’il photographie ou aux meubles qu’il découpe. Ce qui l’amuse – sans doute est-il un des rares artistes actuels à s’amuser – c’est de développer une logique à partir d’un donné qui n’est pas quelconque mais, à coup sûr, indifférent. Qu’est-ce à dire?

Un: l’objet ou la qualité d’objet, qui constituent le matériau de base de la plupart des travaux, sont indifférents en ce qu’aucun contenu significatif ne résulte de leur choix. J’imagine que c’est plutôt leur commodité, la facilité avec laquelle ils se prêteront aux manipulations auxquelles l’artiste va les soumettre, qui décide de leur emploi.

Deux: si, malgré tout, je maintiens que ce choix n’est pas quelconque c’est parce que, via l’intervention artistique, un usage du monde bascule. De l’objet et son apparence, on passe à sa reconstruction virtuelle dans une chaîne, ou mieux un réseau d’informations. Là, la dureté de la pierre n’existe plus comme une qualité intrinsèque à tel bloc, elle en est détachable, comme le sont la couleur, la hauteur, le grain, la masse, etc. Là, l’éclat du soleil est provisoire, filtré, brusquement devenu réglable comme l’est la lumière d’un projecteur de théâtre.

Trois: la logique de l’artiste est une réflexion en acte sur la logique de l’information telle qu’elle commence à nous apparaître à travers notre familiarité croissante avec les ordinateurs. Une logique de la saisie puis du traitement des informations.

Je ne crois pas que l’on dise les choses très différemment avec un ordinateur, le ton seulement a changé. L’accent s’est déplacé. Ce que mesure ce déplacement, voilà peut-être la question qui court derrière le travail de Graumann… Le trait vraiment poignant, c’est l’absence du monde, je veux dire d’un ensemble de relations stables entre les éléments qui font les choses, puis entre les choses elles-mêmes. Pourquoi faudrait-il en finir avec la couleur? Sans doute parce que la machine en a fini depuis belle lurette avec elle, entre autres. Cela ne veut pas dire que, demain, un peintre ne pourra pas, pinceau en main, réactiver l’émotion de la couleur, bousculer ou compléter l’édifice spéculatif, la charge de connaissance vive à laquelle la peinture nous confronte en la convulsionnant depuis des siècles. Mais ici, le propos est ailleurs et le modèle différent parce que l’art de Graumann ne se développe pas à partir de la couleur ou d’une quelconque matière première, il circule dans un réseau dont les potentialités ne sont pas affectées par les contenus qui s’y trouvent en transit. Qu’il s’agisse de couleur ou d’individus, par exemple, le critère de classement du nom par ordre alphabétique est pertinent. Aussi la recherche, via le videotex, le fax-modem et l’ordinateur, des abonnés de l’annuaire affublés de noms de couleur devient-elle une requête valide [cf. sélection chromatique]. Et Graumann de proposer au peintre Gilles Porret de rencontrer M. Bleu, Mme Orange ou Mlle Brun [cf. rencontres chromatiques].

On pourrait penser à un gag par brouillage et, d’une certaine façon, pour la logique hiérarchique et essentialiste qui est encore la nôtre c’en est un, assez poétique au demeurant. Mais il y a autre chose, je crois, parce que le passage d’une série à l’autre, s’il continue à nous paraître incongru, n’en est pas moins d’une parfaite évidence pour la machine. Dans la logique de saisie du monde qui est en train de se mettre en place avec l’ordinateur, M. Brun et la couleur du même nom sont des informations équivalentes, le fait qu’elles recouvrent des ordres de réalité totalement différents n’affecte pas le programme qui va les traiter avec une belle unanimité. En finir avec la couleur, ce pourrait donc être aussi en finir avec la personne. Au moment de vider la corbeille, on risque de jeter le bébé avec l’eau du bain, si l’on n’a pas pris garde de les classer dans des dossiers séparés.

Pour finir, sans vouloir dramatiser outre mesure, il faudra considérer que «couleur», dans le travail d’Hervé Graumann, est une étiquette sous laquelle viennent se ranger diverses approches non pas de ce qu’est directement la couleur mais, comme il appelle lui-même certaines de ses pièces, du «rendu» que l’on peut proposer de la couleur à travers différents processus d’information. Ces derniers peuvent faire appel à une technologie assez évoluée faisant intervenir l’ordinateur et ses périphériques, ils peuvent aussi revêtir un caractère plus artisanal lorsque, par exemple, des punaises à tête colorées sont identifiées à des pixels d’image informatique, ces petits grains de lumière qui scintillent sur les écrans des computers. Artisan, Graumann? Peut-être, mais alors artisan du désastre joyeux où s’engloutissent un monde et ses images. Et joyeux quand même, puisque, dans le même mouvement, c’est un autre monde qui vient – sans doute ni pire ni meilleur, mais neuf, ça oui.

François-Yves Morin
cat.Hardhof, Bâle (3 sept. – 24 oct. 1992)

F. Y. Morin – “A day in the life of Raoul Pictor” [cat.], 1994

Raoul Pictor cherche son style… (v.1), 1993 – dispositif informatique, ordinateur, imprimante, logiciel / computer device, printer, software – dimensions variables

Awakened by the activation of an internal clock, Raoul appears to us piece by piece, like a ghost, in the room which he uses as his studio. For a few moments, not yet sure of his personal identity, he loses himself in his surroundings, becomes entangled in the bright green trapezium of the fitted carpet or partly snatched up in the drawing of a bookcase, simplified by vertical bars of colour.
As soon as he finds himself, Raoul fervently undertakes his main activity: walking. This exercise is not a goal in itself, it indicates the perplexity of the artist. Decked out in a grey smock, beret fixed onto his head, his hands linked behind his back, Raoul tries out the space in his studio with a touching clumsiness. But when he changes direction he seems to face certain difficulties… is he not confronted with a spatial aporia: how to adjust himself to the illusionary depth of a plane? Raoul’s pacing, a metaphor for the problem of depth, that forever confronts painting, no longer has the virtue of proving motion by doing it, but asserts the possibility of representation. Raoul is a painter – Pictor – primarily by his pacing, obligatory preamble to his art.
To put aside his solemn absorptions the painter is accustomed to playing the piano. During his breaks he also abandons himself in a crudely comfortable armchair nestled into a corner of the room, privileged position for whoever pretends to scrutinize the orthogonality of the phenomenal world. After which, Raoul paints quickly, with an uneasy fervour, in his urgency to fix the outcome of his meditations, longly chewed over during all his comings and goings, before it escapes him. Being a studio-artist his model is mental. No image, picturesque vignette or sublime vision, comes to trouble his clear awareness of relationships. The canvas is finished with large brush-strokes and many gestures, whereupon the artist takes it under his arm and leaves the room by a narrow dark opening; this opening, if we are to grant credit to the Renaissance codes of perspective, symbolises a rectangular opening in the shape of a door.

Raoul Pictor cherche son style... (v.1), 1993 – copies d’écran / screen captures

Raoul Pictor cherche son style… (v.1), 1993 – copies d’écran / screen captures

To note: we know nothing of the work that has just been completed as it was placed on an easel with its back to us, taking the centre position in the studio, and the artist, after having finished his work, took it away without turning it. For the moment Raoul, who has reverted to his primordial electrical state, is linked so intimately to his creation that we can no longer distinguish one from the other, Raoul deprived of a surface, Raoul the algorithm moving in the network of cables, straddling the interface that connects the printer and the computer. From his unrepresented activity, an image is born: a pattern of coloured inks obtained by combining in a landscape format a random selection of elements stored in the programme’s memory. Signed, dated and numbered the work then represents merely one of the terms of the set of probabilities to which Raoul’s creative fervour finally boils down. From here several pressing questions are to be posed:
Does the expression Raoul Pictor seeks his style signify that it will have been found once the music of chance has died, when he has exhausted all possible combinations – without doubt many billions – within the limited framework of his memory? In this hypothesis, if Raoul continues to produce, there will be nothing left for him except to plagiarise himself. Is one to see here a form of rambling or rather consider this as a wonderful lesson in the mysterious mechanics that make artists act? Is not the work of art, whatever its form, whatever materials are employed to embody the form, fundamentally lacking in originality? To the appreciation of the enthusiastic public, which applauds a radical novelty, failing to recognize, beneath the glaring deception of its topicality, a deft or inspired reorganisation of sameness, Raoul offers a less idealistic conception of creation. If after x years of hard labour, he begins to paint canvases that have already come out of his studio, can one fairly reproach him for it, knowing that within his achieved memory his completed work exists, at least potentially, even before he has prepared his palette? A painting that comes out of a printer is therefore always a copy. What privileged status then does the first copy hold? Is it possible to give an ontological legitimacy prohibiting a second or third copy, and finally to them all being reproduced? To the question that opens this passage, we echo the following one, with no pretention of closing the subject: Is it then that, unlike many, who one day believed they had found, Raoul, scrutinizing the boundless but finite corpus of what he has to express, continues to seek?

F. Y. MORIN
(Trad. V. Sordat, D. White)

 

RP_paint_v1

Gauthier Huber – L’écheveau de la représentation

Le travail d’Hervé Graumann repose essentiellement sur la logique et les effets du monde informatique. Ses œuvres ont une parenté plus thématique que visuelle, car l’artiste, qui incorpore souvent dans son travail des archétypes tirés directement du réel ou de sa représentation, s’intéresse d’abord au contenu que constitue l’action réciproque des médias eux-mêmes.

<L’écheveau de la représentation>

For machines, 1996-97 – dispositif informatique, appareils électriques, bande vidéo computer device, electrical objects, video tape – dimensions variables

For machines, 1996-97 – dispositif informatique, appareils électriques, bande vidéo / computer device, electrical objects, video tape – dimensions variables

Une œuvre d’Hervé Graumann consistait en une bande vidéo et en un groupe d’objets posés au sol. Le film montrait des individus occupés à de petites choses, et les objets étaient reliés à un programme qui les faisait fonctionner ou non de manière aléatoire. Deux systèmes cohabitaient ainsi, chacun suivant son cours avec indifférence. Le spectateur, quant à lui, qui s’était habitué au <réel> médiatisé par la bande vidéo, et n’y prêtait plus guère d’attention, était toujours surpris quand les objets (artificiels) lui rappelaient leur présence. L’une des caractéristiques de la réalité virtuelle, dont les images peuvent nous apparaître (au sens du spectre), puis disparaître à tout jamais si on ne les <sauve> pas, est d’augmenter son pouvoir en proportion de la vitesse de renouvellement de ses éléments: <Comme la fission et la fusion, les croisements et hybridations des médias libèrent une énergie et une puissance nouvelle immenses>.

En ces questions, la cécité n’est pas inéluctable, pour peu que nous sachions qu’il y a quelque chose à observer> (Marshall McLuhan, 1964). Cette observation, qu’effectue Hervé Graumann, passe par une manipulation éclairée, et la nature du médium qu’il déconstruit apparaît d’autant plus visiblement qu’elle se révèle dans un autre médium. Ainsi, en faisant passer certaines spécificités du médium x dans la sphère du médium y, l’artiste peut éclairer les déterminations d’un contenu z. Dans <Blanc sur Blanc>, par exemple, œuvre non suprématiste mais lexicale, il donne forme à l’effet des méthodes de classement qui, postulant l’exhaustivité en fonction d’un principe aléatoire, mettent sur le même plan des réalités pourtant fort différentes: il s’agit d’une photographie sur laquelle un M. Blanc – qu’Hervé Graumann a sollicité après avoir trouvé son nom dans un annuaire téléphonique – apparaît juché sur les épaules d’un homonyme.

Lampes code RGB, 1998 – lampes, multiples interrupteurs / lamps, multiple switches – dimensions variables

Lampes code RGB, 1998 – lampes, multiples interrupteurs / lamps, multiple switches – dimensions variables

Ou encore, recourant à deux objets issus de l’ère électrique, une lampe et une radio, et leur ajoutant plusieurs interrupteurs, il les dote ainsi d’un attribut majeur de l’ère électronique: le code d’accès. Par le quadrillage intégral d’une photographie, dont il a numéroté les éléments de gauche à droite et de droite à gauche (logique du plotter), il met en évidence le fait qu’avant d’être une image, celle-ci n’est qu’une surface plane ayant été soumise à une opération technique. <Tous les media sont des métaphores actives, en ce qu’ils peuvent traduire l’expérience en des formes nouvelles>, note encore Mc Luhan. Raoul Pictor, le peintre virtuel dont Hervé Graumann a assisté (par ordinateur) la naissance – et qu’il a mis depuis peu sur le web – illustre cela à merveille: œuvrant à l’intérieur de la représentation, il devient la parfaite métaphore de l’artiste contemporain qui, façonné par la Raison Technique, tire de celle-ci toutes ses combinaisons. Dans ce jeu de passe-passe où des simulacres identiques amènent à l’expérience leurs supports hétérogènes, la <réalité> peut faire office de fiction ultime. C’est ce que démontre Hervé Graumann par une série de photographies dans lesquelles des mosaïques de petits objets articulés semblent tirées du canevas d’un programme informatique. Or, ici les objets ont un référent réel, et la perspective vient de la prise de vue si bien que la liste de McLuhan peut s’augmenter d’un nouveau <médium>: l’artiste.

Gauthier Huber, in kunstbulletin – oct 2001

Mauricio Gajardo “Du spirituel dans l’art et dans la peinture
 de Raoul Pictor en particulier”

Musicalité

Qu’est-ce qui a conduit Hervé Graumann à me demander d’écrire un texte sur son travail ? C’est en essayant de répondre à cette question que j’en suis arrivé à considérer un aspect relativement discret, ou du moins peu ostentatoire, de son œuvre, mais qui, à mon sens, anime, habite, constitue et soutient fortement l’ensemble de ses préoccupations.
De prime abord je me suis amusé à penser que c’est la sonorité insolite de mon nom de famille qui l’aurait motivé à s’adresser à moi.
Cette identité auditive, résonnant avec une vicieuse intimité tout au long de ma vie civile, peut-elle finir par induire et former une sorte d’essence sonore de mon être et de ma personnalité ?

La signification latente et la mélodie de mon nom me hantent, cet agencement de phonèmes est si solidement attaché à mon identité qu’il semble participer de ma constitution psychique et physique. Pourtant, ces quelques lettres de l’alphabet inébranlablement alignées ne veulent rien dire pour moi et leur familiarité est telle que je n’arriverai probablement jamais à être complètement conscient de leur portée sonore et poétique. 
Certes, parfois, à la faveur d’une étincelle de lucidité, je parviens à en avoir une réception vierge et, alors, pour un bref instant, cette succession de voyelles et de consonnes révèlent une réelle étrangeté, un potentiel auriculaire insoupçonné. Tout à coup, un sens enfoui semble vouloir se former, un vrai mot voudrait surgir, mais en vain ; aussitôt, le nom retrouve son aspect habituel, sa lourde et lointaine conformation, son impassibilité stupide, sa majestueuse et imbécile monumentalité.
Mais cette piste n’est vraiment pas satisfaisante étant donné qu’il n’y a rien de lexicalement chromatique dans mon patronyme, et rien, non plus, qui corresponde à quelque agreste paysage.

Or donc, compte tenu du fait que c’est la première fois qu’un artiste me demande d’écrire un texte autour de son œuvre, cela me donne à penser qu’il y a chez Graumann un vrai goût du risque, une sorte de plaisir à générer de l’inattendu, à organiser des rebonds.
De la même façon, je pourrais faire cas de son sens de la répartie, de la boutade et de la saillie et, par surcroît, établir un lien avec son inclination pour les ressemblances phonétiques, les homophonies amusantes, l’équivoque des mots, les embuscades de langage. Autant de traits qui, à la lumière des affinités qu’il semble entretenir avec la pensée mathématique et les dispositifs d’échantillonnage aléatoire et répétitif, me confortent dans l’idée qu’il y a décidément dans et autour de l’œuvre d’Hervé Graumann une éminente et fondamentale musicalité.
Musicalité qui par ailleurs semble rencontrer un écho dans la qualité de son humour, et c’est peut-être par ce double mouvement que son travail acquiert cette accessibilité affable, sans intellectualisme, cette force ludique qui fait qu’on y pénètre avec un certain plaisir mais dont, telle l’urne à sens unique de certaines plantes carnivores, on ne ressort pas toujours.

Afin de m’éclaircir les idées, j’ai tapé www.graumann.net où j’ai spontanément cliqué sur la nouvelle version de Raoul Pictor.

De l’inspiration

Il y a quelques années, lors d’un voyage au Chili, j’ai eu l’occasion de connaître un cousin qui, fraîchement sorti de l’école des beaux-arts d’une petite capitale de province, s’adonnait à la peinture de natures mortes et de paysages et, de temps à autre, se hasardait dans d’obscures compositions abstraites à tendance ornementale. Après avoir envisagé plusieurs postures critiques, il m’est apparu évident qu’il n’avait reçu aucune notion, même basique, de l’histoire de la peinture classique et moderne. Certes, intercalées au milieu de sa production habituelle, on pouvait apprécier, çà et là, quelques tentatives formelles un peu plus âpres et mordantes, laissant trahir des influences que l’on serait tenté de qualifier de « modernes ». Mais, dans l’absolu, il était assez clair que les seuls repères picturaux dont il avait bénéficié de manière vraiment solide et appuyée étaient surtout les natures mortes, les marines et autres peintures de paysages bigarrées dont j’avais eu l’occasion d’apercevoir quelques spécimens au milieu de l’artisanat touristique local.
Sa production était traversée par une préoccupation constante d’alternance entre les différents moyens d’expression qu’il maîtrisait ou dont il cherchait à assimiler la technique. Il allait des natures mortes aux paysages, des paysages aux ornements, des ornements à l’abstraction avec une habileté inquiète et laborieuse.
De temps en temps, au milieu de cet amoncellement de tableaux apparaissait une toile réunissant en un collage disparate l’ensemble de son répertoire, une sorte de mosaïque dans laquelle, en un conglomérat de juxtapositions et de superpositions biscornues, semblaient cohabiter tant bien que mal toutes sortes de manières de peindre et de techniques. Mon cousin, avec ses peintures alternantes, fusionnantes et kaléidoscopiques, cherchait son style.

Souvent, je me suis demandé ce qui pourrait advenir si ce cousin, pour peu qu’il soit rompu à l’Internet ou aux charters, venait à se trouver face à Raoul planté derrière son chevalet, attaquant la toile de ses vifs et rapides coups de pinceaux de karatéka ou d’escrimeur olympique. D’emblée, j’entrevois l’arrogance condescendante où cet exercice pourrait me mener, et m’aperçoit que pour envisager correctement cette confrontation il me faudrait faire appel à des outils socio économiques et politiques, et ça compliquerait diablement mon propos, revenons plutôt à Pictor.

Pictor se submerge dans son activité avec un élan exemplaire, et pour cela il mobilise un certain nombre de réquisits lui permettant d’être réceptif au souffle créateur. Il invoque la grâce en s’étourdissant à l’alcool (qu’il interroge comme un oracle), se gave de références en consultant des gros livres, se dégourdit les jambes et se rafraîchit les neurones en déambulant d’un pôle à l’autre de son activité créatrice, médite, réalise des exercices de respiration et, pour ce qui est des questions pratiques, possède une étagère garnie d’ouvrages d’art, un atelier donnant sur la mer – la porte arrière s’ouvre sur un vaste paysage lacustre, lequel nous laisserait entendre que l’atelier de Raoul repose sur des pilotis. De plus, Pictor change régulièrement l’agencement du mobilier, acquiert de nouveaux meubles, remplace le papier peint – d’une version à l’autre Graumann semble prendre un évident plaisir à réinventer les motifs du papier peint qui ornent le mur de l’atelier –, en clair, il combine admirablement la maîtrise de l’inspiration à une éclatante dynamique du faire.

Du reste, il me semble que depuis quelque temps il commence à avoir un style. J’ai imprimé plusieurs de ses réalisations récentes en l’espace de deux mois et je les trouve, ma foi, incontestablement assorties par une manière assez caractéristique. Ne faudrait-il pas, à ce stade, évaluer la qualité intrinsèque des œuvres de Pictor ?
Il est intéressant de noter combien l’humour parodique qui se dégage de ces images participe en même temps d’une certaine grâce, il en résulte une ambiguïté comique très singulière, traversée par une beauté trouble, indéfinissable, presque embarrassante.
Il n’est qu’à observer l’élégance et le remarquable équilibre de construction avec lequel les formes, les lignes et les masses sont disposées, associé à la façon heureuse et harmonieuse dont les couleurs (souvent complémentaires) s’agencent et s’associent, comme si Graumann, soucieux de flatter l’organe visuel, avait incorporé à la programmation de l’échantillonnage un inavouable désir d’eurythmie.

Quant à moi, je saisis cette occasion pour clamer haut et fort à quel point j’aime ces images, y compris l’excitation procurée par le spectacle de l’imprimante dévoilant progressivement l’ouvrage encore chaud et humide.
Il est d’ailleurs opportun de préciser que ce ravissement n’est certainement pas étranger au « style » que Raoul, à force de chercher, a quand même fini par asseoir. Car, à la vérité, les « images » réalisées par Raoul sont originales au sens où on l’entend pour toute œuvre qui ne ressemble à aucune autre. De fait, outre la valeur unique et irremplaçable de chaque tirage, il faut bien reconnaître que Raoul a une « manière » de traiter les formes qui lui est particulière, une façon de négocier les espaces, de disposer les couleurs et les masses, et même de citer naïvement des oeuvres préexistantes, qui n’appartient qu’à lui.

Plus graphique que pictural (bien que Graumann incline à décloisonner ces différences), le résultat semble être – comme il en serait d’un vrai peintre qui apporte son corps – le fait d’une réelle intermittence de l’inspiration, au sens même ou le facteur d’indétermination de l’opération s’apparente à l’instabilité propre aux productions humaines.
De là peut-être le suspense lorsque Raoul est à l’œuvre, il y a une attente qui confère à l’ensemble du processus (de l’animation Flash à la mise en branle de l’imprimante) quelque chose qui semble appartenir au domaine du sensible, du caprice et de l’inconstance.

M.G. 2005

Sur deux œuvres de Hervé Graumann [cat.]

Blanc sur Blanc (avec Damien Blanc & Alberto Blanc), 1993 – photographie noir et blanc / black and white photograph – 120 x 120 cm.

Blanc sur Blanc (avec Damien Blanc & Alberto Blanc), 1993 – photographie noir et blanc / black and white photograph – 120 x 120 cm.

Hervé LAURENT

Staircase 2, Galerie für Zeitgenössische Kunst,
Leipzig (8.sept.- 29 oct. 1994)

Sur: préposition. En français, “Blanc sur Blanc”, en anglais “Hard on soft”. La préposition est à prendre dans son sens littéral: Damien Blanc est photographié alors qu’il est assis sur les épaules de Alberto Blanc, une imprimante à aiguilles est posée sur un bloc de mousse.

“Blanc sur Blanc” renvoie à la série de toiles regroupées sous ce même titre que Malévitch réalise en 1918. Chacune de ces oeuvres touche aux limites de la perception puisque toutes se composent d’une forme géométrique blanche venant s’inscrire sur un “fond” de couleur identique. La tentative suprématiste de Malévitch peut être interprétée comme témoignant d’une volonté de sortir la peinture du champ de la pure visualité, à tout le moins de mettre en évidence le réductionnisme rétinien dans lequel s’était enfermée la pratique académique de cet art. De la même façon, intituler “Blanc sur Blanc” la photographie, en noir et blanc, de deux homonymes, l’un sur les épaules de l’autre monté, c’est poser la question du rapport de l’art à sa visibilité, non plus à partir d’une abstraction géométrique épurée, mais au cœur même d’une pratique réputée pour sa capacité à témoigner de la réalité des apparences. Graumann, après Malévitch, ne prétend pas qu’il n’y a plus rien à voir, il interroge le ce-qui-est-à-voir de l’image et il le fait là précisément où l’effet de réel engendré par la technique masque d’ordinaire la question.

Hard on soft, 1993 – ordinateur, imprimante à aiguilles, socle en mousse computer, dot matrix printer, foam base – 145 x 50 x 40 cm.

Hard on soft, 1993 – ordinateur, imprimante à aiguilles, socle en mousse
computer, dot matrix printer, foam base – 145 x 50 x 40 cm.

“Hard on soft” reprend le dispositif figuratif photographié avec “Blanc sur Blanc” puisqu’un objet dur, ici une imprimante à aiguilles, est posé sur un objet “mou”, en l’occurrence un bloc de mousse que les mouvements d’aller et de retour de la tête d’impression de la machine en action va mettre en branle, le hard entraînant ainsi le soft, lui imprimant son propre mouvement. Si l’on s’en tenait à cette description, l’oeuvre pourrait paraître un hommage à Jean Tinguely, la technologie informatique remplaçant, pour le bruit et pour le mouvement, les agencements de pièces industrielles actionnées par des moteurs.

En rester là, ce serait oublier la signification inédite qu’a prise le couple hard/soft dans le langage de l’utilisateur d’ordinateur. Nul n’ignore plus que hard et soft sont les abréviations de hardware et software, termes qui désignent respectivement l’appareillage informatique (ordinateur et ses périphériques) et l’ensemble des logiciels qui permettent d’exploiter les capacités de l’outil informatique. Par extension tous les objets que contient la réalité phénoménale, la chaise, la vague, l’arbre et peut-être même le petit oiseau qui s’est perché sur une de ses branches, sont hard. A ce titre, le bloc de mousse couronnée d’imprimante pourrait aussi bien être décrit comme “hard on hard” ou pour être plus juste “soft in hard-hard on soft-hard” puisqu’il y a du soft (logiciel) dans l’imprimante et que la mousse du bloc est souple, and so on… Ainsi, le titre de l’œuvre est au mieux interminable au pire in(dé)terminable. Les catégories qu’il met en jeu loin de se différencier clairement ne peuvent faire autrement que se contaminer l’une l’autre. L’ensemble de la démarche poursuivie sur divers supports par Hervé Graumann obéit à cette même logique épidémique. “Hard on soft” est en vérité un mixte de hard et de soft indémêlables. Tout comme le sont, aujourd’hui, la chaise, la vague, l’arbre et, selon toute vraisemblance, le petit oiseau posé sur l’une de ses branches. En d’autres termes, s’il ne sort rien de l’imprimante c’est que la prose du monde, l’espace de son énonciation, pour ne pas reparler de sa figuration, n’est plus un plan stable mais un rythme oscillatoire qui ne produit plus, comme métaphore du sens, qu’un tremblement indéfini entre hard et soft.

Über Zwei Werke von Hervé Graumann [cat.]

Blanc sur Blanc (avec Damien Blanc & Alberto Blanc), 1993 – photographie noir et blanc / black and white photograph – 120 x 120 cm.

Blanc sur Blanc (avec Damien Blanc & Alberto Blanc), 1993 – photographie noir et blanc / black and white photograph – 120 x 120 cm.

Hervé Laurent (Übersetzung: Michaela Ott)
Staircase 2,
Galerie für Zeitgenössische Kunst,
Leipzig (8.sept.- 29 oct. 1994)

Auf ist eine Präposition. Im Französischen heißt es »Blanc sur Blanc« (Weiß auf Weiß), im Englischen »Hard on Soft« (Hart auf Weich). Die Präposition ist wörtlich zu verstehen: Damien Blanc wird auf den Schultern von Alberto Blanc sitzend fotografiert. Ein Nadeldrucker steht auf einem Schaumblock.

»Weiß auf Weiß« bezieht sich auf eine Serie von Gemälden, die Malevitsch 1918 unter diesem Titel ausgeführt hat. Jedes dieser Werke rührt an die Grenzen unserer Wahrnehmung. Jedes besteht aus einer weißen geometrischen Form, die sich auf einem »Grund« einer identischen Farbe einschreibt. Der suprematistische Ansatz Malevitschs kann als der Versuch interpretiert werden, die Malerei aus dem Gebiet der reinen Visualität herauszuführen. Zumindest weist sie auf jenen eingeschränkten Blick hin, auf den sich die akademische Kunst eingeengt hatte. Die Bezeichnung »Weiß auf Weiß« für eine Fotografie in Schwarz und Weiß, mittels zweier Homonyme, von denen das eine auf den Schultern des anderen sitzt, heißt, die Frage der Beziehung der Kunst zur Sichtbarkeit neu stellen. Sie zielt weniger auf die puristische Abstraktion, sondern auf deren Fähigkeit, von der Realität der Erscheinungen Zeugnis abzulegen. Graumann behauptet in der Folge von Malevitsch nicht, daß es nichts mehr zu sehen gibt. Er befragt das was-es-zu-sehen-gibt im Bilde und das genau da, wo der von der Technik erzeugte Effekt des Realen normalerweise die Frage verborgen hält.

Hard on soft, 1993 – ordinateur, imprimante à aiguilles, socle en mousse computer, dot matrix printer, foam base – 145 x 50 x 40 cm.

Hard on soft, 1993 – ordinateur, imprimante à aiguilles, socle en mousse
computer, dot matrix printer, foam base – 145 x 50 x 40 cm.

»Hard on Soft« nimmt die Disposition von »Blanc sur Blanc« auf, in dem ein harter Gegenstand, hier ein Nadeldrucker, auf einen »weichen« Gegenstand gestellt wird. In diesem Fall ist es ein Schaumblock, den die Hin- und Herbewegungen des Druckkopfes in Schwingung versetzen, so daß das Harte das Welche mitzieht, ihm seine eigene Bewegung aufdrückt. Hielte man sich an diese Beschreibung, könnte man das Werk als Hommage an Jean Tinguely verstehen: Die Informationstechnologie ersetzt mit ihren Geräuschen und Bewegungen die von Motoren angetriebenen mechanischen Gefüge.

Würde man es dabei belassen, hieße das die unerhörte Bedeutung vergessen, welche das hard/soft in der Sprache des Computerbenutzers angenommen hat. Heute weiß jeder, daß hard und soft Abkürzungen für hardware und software sind. Begriffe, die Datengeräte bezeichnen (den Computer und seine Anschlußgeräte) und alle Programme, welche die Nutzung solcher Systeme erst ermöglichen. Im weiteren Sinn sind alle Gegenstände, die phänomenale Realität, Stuhl, Welle, Baum und vielleicht auch der kleine Vogel, der auf einem der Zweige sitzt, enthält,hard. Unter diesem Titel könnte der Schaumblock, der von dem Drucker gekrönt wird, auch als »hart auf hart« beschrieben werden oder genauer als »weich in hart-hart auf weich-hart«, da es soft (Programme) im Drucker gibt und der Schaumblock weich ist, und so weiter.

So ist der Titel des Werks im besten Fall unendlich, im schlechtesten unbestimmbar. Die Kategorien, die er ins Spiel bringt, bewegen sich keineswegs auseinander. Sie können sich vielmehr gegenseitig anstecken. Das gesamte Vorgehen, das von Hervé Graumann mit unterschiedlichen Trägermaterialien realisiert wird, gehorcht dieser epidemischen Logik. »Hart auf weich« ist in Wahrheit ein Gemisch aus unvermischbarem hard und soft. Genau wie heute der Stuhl, die Welle, der Baum und der kleine, auf einem Zweig sitzende Vogel. Mit anderen Worten: Aus diesem Drucker kommt nichts heraus, weil die Prosa der Welt, der Raum ihrer Ausdehnung, um nicht erneut von ihrer Verbildlichung zu sprechen, kein stabiler Plan mehr ist, sondern ein ozillierender Rhythmus, der nur als Sinnmetapher ein unbestimmte, Vibrieren zwischen hart und weich hervorbringt.

Tableaux (monochromes) d’une exposition (informatique)

armoireIkeaCoupee

armoire II, 1990 meuble numéroté, découpé, recollé

L’œuvre de Hervé GRAUMANN (H. G.) traverse les catégories qui régissent notre rapport au monde phénoménal avec une espèce d’indifférence sereine dont les effets, souvent, ne manquent pas d’ironie. Cette distance à l’égard de la charge existentielle qui leste d’ordinaire les attendus de notre jugement, les analyses et les actions qui en découlent, H. G. en est redevable à la relation privilégiée qu’il entretient depuis le début avec la logique des ordinateurs. Cette dernière, dont on rappelle assez souvent la nature binaire pour éviter de se pencher à nouveau sur cette caractéristique, se distingue encore par le fait qu’elle traite d’un ordre de réalité qu’on pourrait qualifier d’homogène et granuleux. Pixel, 0/1,… du cœur de la machine à la vacillante lumière des écrans, l’univers informationnel que gère le computer est formé d’éléments tous identiques, sortes de fractions dont la configuration finale peut produire une image, un son, la chaîne d’un raisonnement, le résultats d’un calcul, etc., c’est-à-dire autant d’événements et de figures qui rappellent la trame de notre quotidien. Aussi, trompés par cette coïncidence, avons-nous pris l’habitude d’attribuer à l’ordinateur une intentionnalité dirigée vers le réel, alors que c’est l’ensemble des nécessités opératoires lisibles à travers nos stratégies d’utilisateurs, qui est seul responsable d’une telle similitude, par ailleurs totalement infondée.

H. G. travaille dans cette zone de rupture dont il s’efforce d’explorer les conséquences. Par l’absurde d’abord, en appliquant à l’objet même, la technique de sa saisie informatique. Ainsi des meubles découpés et recollés, dont on peut dire qu’ils ont été violemment pixélisés, ou encore en faisant passer, morceau par morceau, une partie d’un objet dans un autre objet, comme si l’intégrité des ensembles dont ces morceaux sont extraits n’était plus une détermination à prendre en compte dans le protocole de l’intervention. Le copier/coller fonctionne alors sans crainte d’engendrer des monstres, tant il est vrai que la monstruosité relève de l’hétérogène – le centaure en est un bel exemple, ainsi que les animaux fabuleux qui peuplaient l’imaginaire médiéval – et qu’ici, une fois admis que l’on va attribuer au réel la substance uniforme de l’univers informatique, cette réserve de principe doit être ignorée. En d’autres termes, H. G. confronte une métaphysique qualitative à une approche purement quantitative et joue avec humour la théorie du grain de sable contre celle du château de sable. Le texte n’est possible qu’à la condition de refuser l’hégémonie de la texture. L’humour propre à plusieurs travaux de H. G. tient à ce qu’il essaie de tenir les deux, laissant la structure répétitive du grain informatique envahir en la perturbant la prose du monde.

...de l’ordre alphabétique des couleurs (dladc base v1.1) – table en 7 langues & 11 couleurs classées par ordre alphabétique

…de l’ordre alphabétique des couleurs (dladc base v1.1) – table en 7 langues & 11 couleurs classées par ordre alphabétique

C’est une même démarche qui le conduit à travailler cette prose sans se plier à l’ordre narratif ou analytique qu’elle construit tout au long de ses divers segments mais comme un tableau à entrées multiples qui peut être consulté en tant que base de données. A une forme de tri propre au récit et peu directement explicite, H. G. superpose une pratique de la classification aux critères très rigoureusement définis. Prenant non pour thème, mais pour tête de chapitre général la couleur, l’artiste est ainsi amené à éditer la liste des abonnées du téléphone d’une ville affublés d’un nom de couleur, ou encore à réaliser une peinture qui n’est ni conceptuelle ni néo-géo mais la conséquence d’un double listage: horizontalement une série de langues, verticalement les noms de quelques couleurs préalablement choisies et rangées par ordre alphabétique. Les coordonnées ainsi définies permettent de constituer un ensemble de cases colorées dont la réunion n’est rien d’autre que le tableau. La même démarche aboutit également au fait de peindre une toile monochrome en présence d’une personne dont le nom désigne la couleur utilisée. Monsieur ROUGE, Madame ROSE sont ensuite invités à signer le procès-verbal rendant compte de la séance. Messieurs Damien et Alberto BLANC, plus complaisants, ont même accepté de faire connaissance puis de se laisser photographier, le premier tenant en équilibre sur les épaules du second pour une composition (en noir et blanc…) judicieusement intitulée BLANC SUR BLANC.

Couleur minute, 1990 – ordinateur, écran, logiciel / computer, monitor, software

Couleur minute, 1990 – ordinateur, écran, logiciel / computer, monitor, software

COULEUR-MINUTE appartient à ce groupe d’œuvres construites autour d’une problématique dont le prétexte est la couleur. Sa simplicité permet de clairement saisir les enjeux du travail de H. G. Il s’agit d’un ordinateur Amiga d’entrée de gamme, muni d’un moniteur et laissant tourner un programme d’affichage aléatoire sur l’ensemble des 4096 couleurs disponibles avec ce modèle de machine. Chaque minute, une couleur tirée au sort apparaît, à l’exclusion de tout autre élément signalétique tel que barre de menu ou icône.
Aucun son n’accompagne cette présentation. Ainsi donc, pendant une poignée de secondes, chacune de ces couleurs existe sur l’écran dont elle occupe l’intégralité de la surface créant une espèce nouvelle et éphémère de tableau monochrome qui constitue un moment d’une exposition pilotée par informatique. La bordure de l’écran devient le cadre désignant la qualité picturale de la couleur. Dans une semi-pénombre, la photonique égrène, minute après minute, une plage tremblante de lumière colorée, uniforme mais instable, faiblement rayonnante. Son caractère d’apparition, d’où elle tire son aura spécifique tient aussi à la brièveté de cette présence: on est passé du grain de sable à la métaphore plus complexe du sablier. Ce qu’il ne faut pas manquer de comprendre c’est, je crois, que le travail de H. G., sous son évidente qualité poétique, est d’abord un réflexion sur l’articulation de l’outil informatique, prolongé aujourd’hui de tous ses appendices médiatiques (par la vertu de l’interface), avec notre compréhension du monde. Pour finir, cette exposition se donne froidement pour ce qu’elle est: une succession de moments dont la durée est calibrée et l’ordre d’enchaînement calculé par une fonction random. A ce titre, nous pouvons encore décrire notre rapport sensible au résultat mais à condition de ne pas oublier que son origine réside dans l’exécution des lignes d’un programme pour lequel il n’est jamais question de notre regard, et qu’ainsi, contrairement à la pensée humaniste de Marcel Duchamp, les regardeurs ne font plus les tableaux.

Hervé Laurent (in cat. 5ème SIV, St-Gervais, Geneva – 1993)

(Monochromes) pictures at a (computerized) exhibition

armoireIkeaCoupee

armoire II, 1990 meuble numéroté, découpé, recollé

Hervé Laurent (in cat. 5ème SIV, St-Gervais, Geneva – 1993)

The work of Hervé GRAUMANN (H.G.) runs across the categories which govern our relationship with the world of phenomena with a kind of serene indifference whose effects are, often, not devoid of irony. This remoteness from the existential burden which usually gives weight to the reasons adduced for our judgment, the analyses and the actions which result from it, H.G. owes to the privileged relationship which he has had from the outset with computer logic. This logic, of whose binary nature we are reminded sufficiently often to render any dwelling on it unnecessary, is further distinguished by the fact that it deals with an order of reality which we could describe as homogeneous and granular. Pixel, 0/1, …from the heart of the machine to the flickering light of the screens, the informational universe which the computer manages is formed entirely of identical elements, sorts of fractions whose final configuration can produce an image, a sound, a line of reasoning, the result of a calculation, etc., that is, so many events and figures recalling the web of our daily round. The result is that, deceived by this coincidence, we have become accustomed to attributing to the computer an intentionality directed toward real life, whereas it is the set of operating necessities readable through our user strategies alone which is responsible for such an, in fact, wholly unfounded similarity.
H.G. works in this breaking-up area whose consequences he strives to explore. First, by reducing it to the absurd, by applying the technique of its computerized keyboarding to the object itself. So we have furniture cut-up and glued together again, which we can describe as having been violently pixelized, or, again, part of an object is moved bit by bit into another object, as if the integrity of the wholes from which these parts were extracted were no longer a determining element to be taken into account in the intervention protocol. The copy/glue functions, then, without fear of creating monsters, so true it is that monstrosity is the result of heterogeneity – the centaur is a fine example of this, as are the fabled animals which peopled the medieval imaginary – and that here, once we have accepted that the uniform substance of the computer universe is going to be attributed to reality, this automatic reservation should be ignored. In other words, H.G. confronts qualitative metaphysics with a purely quantitative approach and humorously plays the theory of the grain of sand against that of the sand castle. The text is only possible if we refuse the domination of the texture. The humour innate in several of H.G.’s works lies in that he tries to have both, letting the repetitive structure of the computer grain invade the prose of the world and disrupt it.

...de l’ordre alphabétique des couleurs (dladc base v1.1) – table en 7 langues & 11 couleurs classées par ordre alphabétique

…de l’ordre alphabétique des couleurs (dladc base v1.1) – table en 7 langues & 11 couleurs classées par ordre alphabétique

It is the same kind of approach which leads him to work this prose over, not bowing to the narrative or analytical order which it constructs throughout its various segments, but like a multi-entry picture which can be consulted as a database. On a form of selection proper to the tale and not very directly explicit, H.G. superimposes a form of classification with very strictly defined criteria. So taking colour not as a theme but as a general chapter heading, the artist is induced to draw up the list of a town’s telephone subscribers whose names are colours, or else to paint a picture which is neither conceptual nor neo-geo but the consequence of a double-listing; horizontally a series of languages, vertically the names ofsome colours previously chosen and placed in alphabetical order. The coordinates so defined make it possible to compose a set of coloured squares which, when put together, simply make up the picture. The same approach also ends with the painting of a monochrome canvas in the presence of a person whose name indicates the colour used. Mr. RED, Mrs. PINK, are then invited to sign the minutes on the session. Messrs. Damien and Alberto BLANC (WHITE), more obliging, even agreed to be introduced, then to have their photograph taken, the former balancing on the shoulders of the latter for a composition (in black and white…) judiciously entitled “Blanc sur Blanc” (White on White).

CoulMin_RGB_Low

Couleur minute, 1990 – ordinateur, écran, logiciel / computer, monitor, software

COULEUR-MINUTE belongs to this group of works constructed around a problem using colour as the pretext. Its simplicity helps give a clear idea of the essence of H.G.’s work. It involves a bottom-of-the range Amiga computer, with a monitor continuously showing a random advertisement on the range of 4096 colours available with this sort of machine. Each minute, a colour chosen at random appears, to the exclusion of any other identifying element such as a menu or icon.
No sound accompanies this presentation. So, then, during a handful of seconds, each one of the colours exists on the screen occupying the entire surface and creating a kind of new and ephemeral monochrome picture which constitutes one moment of a computer-guided exhibition. The edge of the screen becomes the frame indicating the pictorial quality of the colour. In a half-light, the photonics mark out, minute after minute, a trembling band of coloured light, uniform but unstable, with low radiation. Its character as an apparition, whence it draws its specific aura is also the result of the brevity of this presence; we have moved from the grain of sand to the more complex metaphor of the sandglass. What we should understand is, I think, that H.G.’s work, under its obvious poetic quality, is first of all a reflection on the linking of the computer tool, nowadays prolonged by all its media appendices (by virtue of the interface), with our understanding of the world. To conclude, this exhibition coldly professes to be what it is; a series of moments whose duration is calibrated and whose sequential order calculated by a random function. In this respect, we can further say that our relationship was sensitive to the result but provided that we do not forget that its origin lies in the performance of the lines of a programme in which it is never a question of our view and that as a result, unlike the humanist thought of Marcel Duchamp, the viewers no longer make the pictures.

Text by Hervé Laurent (in cat. 5ème SIV, St-Gervais, Geneva – 1993)

F. Y. Morin – Une journée dans la vie de Raoul Pictor [cat.], 1994

Raoul Pictor cherche son style… (v.1), 1993 – dispositif informatique, ordinateur, imprimante, logiciel / computer device, printer, software – dimensions variables

Réveillé par l’activation d’une horloge interne, Raoul n’a nul besoin de se lever, il apparaît morceau après morceau, tel un fantôme, dans la pièce qui lui sert d’atelier. Pendant quelques courts instants, insuffisamment assuré de son identité personnelle, il s’oublie dans les choses, se trouve emmêlé dans le trapèze au vert éclatant de la moquette ou happé, en partie, par le dessin aux barres de couleur verticales qui schématise une bibliothèque.

Dès qu’il se sent un peu mieux lui-même, Raoul commence à s’adonner avec ferveur à sa principale activité: marcher. Cet exercice ne constitue pas un but en soi, il signale la perplexité de l’artiste. Béret vissé sur le crâne, affublé d’une blouse grise dans le dos de laquelle il a pour habitude de croiser ses mains, Raoul expérimente l’espace de l’atelier avec une touchante maladresse. C’est au moment de changer de direction qu’il semble éprouver le plus de difficultés… n’est-ce pas qu’il s’affronte alors à une aporie spatiale: comment s’orienter dans la profondeur illusoire d’un plan? Métaphore du problème auquel s’est toujours confrontée la peinture, la déambulation de Raoul n’a plus pour vertu de prouver le mouvement par l’exercice mais bien d’affirmer la possibilité de la représentation. Peintre, – Pictor – Raoul l’est tout d’abord par sa démarche, préambule obligé de son art.

Pour se reposer de ses graves préoccupations, le peintre a l’habitude de jouer du piano. Il prend aussi des pauses en s’abandonnant au confort un peu fruste d’un fauteuil niché dans un angle de la pièce, situation privilégiée pour qui prétend scruter l’orthogonalité du monde phénoménal. Ensuite, Raoul peint vite, avec une ferveur inquiète, dans l’urgence de fixer, avant qu’il ne lui échappe, le résultat de méditations longuement ruminées durant ses va-et-vient. Artiste d’atelier, son modèle est mental. Nulle image, vignette pittoresque ou vision sublime, ne vient troubler sa claire conscience des rapports. La toile achevée à grands coups de brosse, après force gesticulations, l’artiste la prend à bras-le-corps et quitte avec elle la pièce par une étroite fente noire; laquelle fente, si l’on accorde quelque crédit au code perspectif que nous a légué la Renaissance, symbolise une ouverture rectangulaire au format d’une porte.

À noter: nous ne savons rien de l’œuvre qui vient d’être achevée puisqu’elle était posée de dos sur le chevalet qui occupe le centre de l’atelier et que l’artiste s’en est saisi, une fois terminée, sans la retourner. Pour l’heure, Raoul, revenu à son état électrique primordial, lié à sa création si intimement que plus rien ne les distingue l’un de l’autre, Raoul privé de surface, Raoul l’algorithme circule dans le réseau des câbles, à cheval sur l’interface qui relie imprimante et ordinateur. De son activité sans représentation naît une image: jeu d’encres colorées obtenu par la réunion dans un format paysage d’une sélection aléatoire d’éléments emmagasinés dans la mémoire d’un programme. Signée, datée et numérotée, l’œuvre actualise un des termes de l’ensemble des probabilités à quoi se résume, pour finir, l’élan créateur de Raoul. Dès lors quelques questions se font pressantes:

L’expression “Raoul Pictor cherche son style…” signifie-t-elle qu’il l’aura trouvé lorsque, la musique du hasard s’étant tue, il aura épuisé toutes les combinaisons possibles – à savoir, plusieurs milliards, sans doute – à partir des données limitées de sa mémoire? Dans cette hypothèse, si Raoul continue à produire, il ne pourra plus que se plagier lui-même. Faut-il voir là une forme de radotage ou bien considérer plutôt qu’il nous donne une magnifique leçon sur les mécanismes mystérieux qui font agir les artistes? œuvre d’art, quelle que soit sa forme, quelque matériau qu’elle emprunte pour incarner cette forme, n’est-elle pas fondamentalement dépourvue d’originalité? Au public enthousiaste qui applaudit la nouveauté radicale faute de reconnaître, sous l’éclat trompeur de son actualité, une réorganisation habile ou inspirée du même, Raoul oppose une conception moins idéaliste de la création. Qu’après x années de son inlassable labeur, il commence à peindre des toiles déjà une fois sorties de son atelier, on ne peut raisonnablement le lui reprocher puisqu’au regard de sa mémoire achevée, son œuvre complet existe, au moins potentiellement, avant même qu’il ait préparé sa palette. Une peinture qui sort de l’imprimante est donc, de fait, toujours une copie. En quoi le fait d’être la première constituerait-il un statut privilégié? Quelle légitimité ontologique particulière pourrait-on lui accorder qui interdise qu’une seconde puis une troisième copie, et ainsi de suite, soient à leur tour produites? À la question qui inaugurait ce chapitre d’interrogations, on fera écho par celle-ci, qui ne prétend pas le clore: Est-ce donc qu’à la différence de beaucoup, qui un jour ont cru trouver, Raoul, scrutant le corpus immense mais fini de ce qu’il a à exprimer, cherche encore?

F. Y. MORIN


Raoul Pictor cherche son style… (v.1), 1993 – copies d’écran / screen captures

Hans Rudolf Reust – “Oberflächentausch”

in Monographie H.G, 2005

2meubles_EDS

Hervé Graumanns Arbeit an den Tiefenstrukturen eines aktuellen Welt-Bildes

Dass Hervé Graumann den Personalcomputer sehr früh für seine künstlerische Praxis genutzt hat, verführt oft dazu, ihn nur als Pionier der Kunst mit elektronischen Medien in der Schweiz zu sehen. Dass er Namen und Signaturen als Elemente von Landschaftsdarstellungen oder Farbordnungen einsetzt, weckt den Verdacht auf Konzeptkunst. In beiden Fällen erfolgt die vorschnelle Identifizierung ausschliesslich nach der Verwendung eines Mediums (Technologie), aufgrund der technischen Umsetzung eines Gedankens. Wer das bisherige Werk von Hervé Graumann näher verfolgt, wird jedoch viele verschiedene Formen der materiellen und virtuellen Ausformulierungen eines komplexen Denkens finden. Das vorliegende Buch bietet eine besondere Gelegenheit, Graumanns Werk in weiteren Zusammenhängen zu erfassen. Im Folgenden soll versucht werden, die Grundstruktur seiner Arbeit als eine vielseitige Praxis der Transformation von Tiefenstrukturen in Oberflächenstrukturen zu begreifen.

Die Unterscheidung von Tiefen- und Oberflächenstruktur folgt der generativen Transformationsgrammatik, wie sie von Noam Chomsky in den späten fünfziger Jahren des letzten Jahrhunderts formuliert wurde. Diese beschreibt idealisierte Sprechsituationen durch ein Transformationsteil, welches aus einem Basisteil mögliche Oberflächenstrukturen generiert. Die vier wesentlichen Transformationsoperationen bestehen in der Substitution (eins oder mehrere Elemente werden durch mehrere andere ersetzt), der Permutation (Elemente werden in ihrer Reihenfolge umgestellt), der Deletion (Tilgung: ein oder mehrere Elemente werden getilgt) und der Addition (ein oder mehrere Elemente werden hinzugefügt). Diese vier Modalitäten der Transformation  können Graumanns Werk strukturell, also unabhängig von einem bestimmten Medien- oder Materialiendiskurs, auch frei von einer begrenzten Attitüde beschreiben. Nur für den Wechsel der Regeln wird es keine Regel geben.

Échanges de surfaces, 1992 – cartes postales, découpage, collage / postcards, cut up and collaged – (2 x) 24 x 30 cm.

Dinge / Bilder / Namen mit Regeln und Schaltungen

Um Speicherkapazität zu sparen, wird bei den elektronischen Rechnern in einer Sequenz von Bildern nicht jedes Bild integral gespeichert; es wird lediglich eine  Ausgangsform definiert und dann die jeweiligen Abweichungen von einer Aufnahme zur nächsten berechnet. Die Schnittmenge aller Pixelmengen, welche die Abbildung eines Gegenstand in verschiedenen Positionen beschreiben, wird dabei selber zu einem Bild: Überraschend ist Graumanns Untersuchung, wonach zwischen zwei Bildern von Gummistiefeln, die gegeneinander versetzt sind, wie der Schatten eines Abbilds, wieder die Kontur eines Gummistiefels auftritt. Diese Form steht nicht mehr in unmittelbarer Beziehung zum Gegenstand, sie bezieht sich nur durch den Rechner noch mittelbar darauf. Die digitale Ökonomie führt zu einem Modell der Wirklichkeit zweiter Ordnung: zum digitalen Urstiefel. Als ein von Bildern abgeleitetes Zwischenbild ist diese Form keine reine Simulation; sie ist sogar eine Hilfskonstruktion, um die digitale Re-Produktion näher an eine illusionistisch genaue Wiedergabe der Oberflächenstrukturen hinzuführen. Zugleich bleibt sie eine Binnenform, die nur noch zweifach vermittelt und wie zufällig eine Ähnlichkeit mit der vertrauten Gestalt der Dinge aufweist. Der Bildprozessor generiert aus den Daten der sichtbaren Welt nach einer eigenen Logik seine eigenen Bilder.

Cross objects, 1992 – photographies, découpage, collage, peinture noire / photographs, cut out and collaged, black paint – (3 x) 40 x 30 cm.

Cross objects, 1992 – photographies, découpage, collage, peinture noire / photographs, cut out and collaged, black paint – (3 x) 40 x 30 cm.

Tritt hier die alte Unterscheidung zwischen unbewegter Substanz und Akzidenzien wieder auf? Hervé Graumann sucht nicht nach Konstanten. Vielmehr untersucht er an immer neuen Beispielen den Wechsel in den Verknüpfungsregeln, welche die flüchtigen Momente der sichtbaren Wirklichkeit in ihren Tiefenstrukturen bestimmen. Er bringt die Raster, die unsere Konstruktionen von Wirklichkeit bestimmen, zum Spielen, um die  ästhetische Wahrnehmung selbst aufs Spiel zu setzen. Seine Spielregeln sind nicht willkürlich gewählt, sondern aus der Logik der Maschine, der Sprache, dem Aufbau einer natürlichen Landschaft oder der Statik von Alltagsdingen abgeleitet. Indem er aber  die Regeln der Konstruktion von Wirklichkeiten selber sichtbar werden lässt, stellt er sie auch zur Disposition. Im Bereich der Kunst werden die logischen Prozesse der Maschine oder die Konventionen der Sprache mit der Möglichkeit ihrer ständigen Veränderung konfrontiert.

Ein Stuhl, ein gemaltes Seestück: Nummeriert und zersägt in Würfel gleichen Volumens, werden der alltägliche Gebrauchsgegenstand und das Objekt zweckfreier Kontemplation demselben Prozess analytischer Zerlegung unterworfen. In der aufsteigenden Ordnung der Zahlen wieder zusammengefügt, bilden die Resamples wieder einen Stuhl und ein Bild der Brandung – und doch ist ihr innerer Zusammenhalt loser geworden. Nicht nur ihre physikalische, auch ihre semantische Statik ist prekär. Nicht nur die Reihenfolge der plastischen Elemente könnte nach einer Vielfalt von Regelsystemen verändert werden. Würfel aus verschiedensten Dingen liessen sich leicht auch untereinander austauschen. Durch Substition bräche die grobe Einheit der Materie auf; konstant bliebe nur die bewegliche Dateneinheit: das bit, als Pixel oder „Plastel“. Mit einem in Inhalt und Position frei zu setzenden Grundelement der Darstellung verbindet sich der alte Traum vom Atom, als liesse sich die bestehende und jede weitere vorstellbare Welt aus unhintergehbaren, unteilbaren Bausteinen generieren. Das Denken in Datenpaketen bedingt Regeln ihrer Verknüpfung und die Möglichkeiten von Eingriffen ins Programm. Dahinter überdauert die Idee, die eine oder zahllos viele Welten wären beliebig manipulierbar und kontrollierbar, bis hin zur besten aller möglichen Welten.

Joseph Kosuth hat sich in seiner bekannten Darstellung des semantischen Dreiecks des Stuhls als Objekt, fotografisches Abbild und Kopie eines Lexikoneintrags (One and Three Chairs, 1965)  noch auf eine Illustration des zeichentheoretischen Zusammenhangs beschränkt. Gegen Kosuths Konzept setzt Hervé Graumann den unmittelbaren Eingriff am Gegenstand. Sein Denken ist von der spezifischen Handlung nicht zu trennen. Schliesslich wurden Sitz- und Bildfläche nachweislich zersägt: Redesign ist hier ein brachialer Akt. Im Gestus des Handwerkers führt Graumann das Konzept in die Welt der greifbaren Gegenstände zurück und verweist, mit einem leise ironischen Unterton, auf die Chance einer sichtbaren Veränderung der Oberflächenstrukturen durch Eingriffe ins Programm. Er zeigt aber auch die statischen Grenzen der reinen Manipulierbarkeit und des Denkens, auf dem die Phantasie umfassender Kontrolle beruht. In einer Landschaft mit fliessenden Grenzen wird die geschlossene  Form wieder zum Skandal. “…the continent of Atlantis was an island which lay, before the great flood, within an area we now call the Atlantic ocean…“

So erschliessen nicht nur die leichten Veränderungen von Regeln ein offenes Feld von Möglichkeiten. Hervé Graumann deckt Freiheitsgrade auch in festgelegten Schaltungen auf. Mit jedem weiteren Unterbrecher, der zwischen eine farbige Glühbirne und die Steckdose eingebaut wird, potenziert sich die Vielfalt der Möglichkeiten – und verringert  sich die Wahrscheinlichkeit, dass der Strom tatsächlich fliesst. Durch erhöhte Komplexität wird der einfachste Kippschalter mit seiner binären Entscheidung zwischen Strom und Nicht-Strom für den Betrachter – oder Benutzer – des Kunstwerks zum Zufallsgenerator. Mit der Kraft einfacher Bilder erhellt Graumann die Komplexität einer von Hightech geprägten Wirklichkeit; immer auch mit einem clownesken Moment, das die Absurdität vollständiger Beherrschbarkeit der Umstände offen legt.

In verschiedenen Sprachen verweisen Eigennamen auf Farben oder Elemente der Natur. Hervé Graumann trifft Frau Schnee, Frau Berg oder Herrn Bach. Er setzt Herrn Damien Blanc auf die Schultern von Herrn Alberto Blanc (Blanc sur Blanc), und nimmt mit diesem Weiss auf Weiss dem spirituellen Ansatz von Kasimir Malewitsch etwas von seinem Pathos. Er versammelt Namensträger zu Landschaftstableaus. Er ordnet die Namen aber auch nach ihrem Schriftbild, alphabetisch, indem er abstrakte Farbfelder aufgrund ihrer Anfangsbuchstaben in verschiedenen Sprachen permutiert. Die Ordnung der Dinge folgt keinem einheitlichen System. Immer wieder bringt er verschiedene sprachliche, bildliche und räumliche Ordnungsprinzipien zueinander in Beziehung. Visuelle und sprachliche Ordnungen können wechselseitig zum Ausgangsmaterial für wechselnde Oberflächenphänomene werden. Mit der Verwendung von Signaturen führt er die Handschrift ins Bild ein und mit ihr die uneinholbar individuelle Differenz zu einem streng konventionellen sprachlichen Zeichen. Die Niederschrift ist das Moment der ständigen Differenz zum Wort. Eine Landschaft von Signaturen auf einer Leinwand bezeugt die einmalige Anwesenheit eines Subjekts im Kunstwerk – „Mme Rossignol was here“, wie auf die Hauswand geschrieben oder in die Rinde geritzt – , während das Genre der Landschaftsdarstellung diese Subjektivität zugleich auslöscht – who is Mme Rossignol?

Die spezifische Logik eines einzelnen Mediums – Wort, Schrift, Bild, Raum – bricht in einem anderen Medium neue Perspektiven auf. Hervé Graumann sucht nicht nach Synästhesien – auch nicht in dem historisch vermutlich einmaligen Zusammentreffen von transdisziplinärem Denken und den technischen Möglichkeiten des Computers als universalem Medium für Kalkulation, Text, Bild, bewegtem Bild, Klang und Steuerungsinstrument für deren Zusammenspiel. Er führt je spezifische Denkweisen als Transformatoren in andere ein. Nach der grossen Entgrenzungsbewegung in der Kunst des 20. Jahrhunderts bewegt er sich heute in einem medial offenen Feld. Gerade in einer Praxis, die verschiedene Medien umfasst und sich nicht in oder entlang der Grenzen der alten Disziplinen bewegt, liegt die Beziehung zur Geschichte der Kunst.  Veränderungen sind Ereignisse. Sie entspringen heute einem spezifisch verwurzelten Denken in einem plötzlich, ganz unvermittelt veränderten Kontext – und nicht einem auf Veränderungen fixierten Denken, das den permanenten Erwartungen des Marktes nach Innovationen folgt.

Ornamente und Bedeutungsmuster als Orte einer Handlung

Eine verschlungene Linienzeichnung in Farbe, die der Regel folgt, dass bei jeder Kreuzung mit einer anderen Linie die Farbe wechselt: Aus dieser klaren Regel, die der Künstler sich selber gibt, entstehen freie Linienmuster auf der Fläche, diewie sie in freier Zeichnung nie gefunden werden könnten. Die Schnittpunkte sind Indizien für den Prozess der Bildfindung; hier lässt sich die Geschichte der Zeichnung rekonstruieren.

Hervé Graumann führt den Künstler als Autor ein, aber nicht mit einer inspirierten Geste, sondern als Entdecker und Entwickler von Vorsätzen, die ihn zu weiteren Entdeckungen führen. Darin gleicht er zuweilen einem Forscher, der Bedingungen für seine Experimente definiert. Die Regeln, die er sich gibt, sind nicht als ein Konzept im Sinne Lawrence Weiners zu verstehen, wonach die Ausführung gar nicht oder durch irgendwen sonst geschehen kann. Graumanns Regeln bleiben zwar intersubjektiv nachvollziehbar, sie sind aber mit der einmaligen oder wiederholten Anwendung durch den Künstler selbst auch erschöpft. Er entscheidet selber über Technik und Grad der Ausführung. Gerade weil die praktische Realisierung eines Transformators notwendig ist und nicht bloss als eine mögliche Seinsweisen des Kunstwerks gilt, braucht es nach der einmaligen Ausformulierung in der sichtbaren Welt nicht mehr wiederholt zu werden. Es macht keinen Sinn, unzählige Variationen derselben Anlage zu kennen. Hervé Graumann entwickelt sein Werk aus der Neugierde auf andere Transformatoren weiter.

Dem scheinen zunächst die interaktiven, auch auf dem Netz verfügbaren Ansätze von Raoul Pictor und das webbasierte interaktive Projekt für Kunst am Bau im Statistischen Amt in Neuchâtel zu widersprechen. Hier gehört die unendliche Fortsetzung der Bildproduktion zur Anlage der Arbeit. Jedes weitere Bild von Raoul Pictor ist wie sein erstes, da es nach der Zufallslogik der Maschine dieselbe Aura der anonymen Produktion umfängt, jene eigenartige Form der Nicht-Reproduzierbarkeit, die dem ungestört laufenden Printer entspringt. In seinem Beitrag zum Netzkunst-Projekt Shrink to Fit (2001/02) hat Hervé Graumann das Blackmail, die alte Expressungsstrategie durch anonyme Briefe, aufgegriffen (http://www.graumann.net/blackmail/): Über das Netz kann ein Brief verfasst werden, dessen Buchstaben erscheinen, als wären sie aus der Zeitung herausgeschnitten wurden.worden. Die überkommende Anonymisierungsstrategie eines Täters trifft sich mit der Anonymität eines Tastendrucks, der den digitalen Fingerabdruck vermeidet. Das Versenden dieses Mails kann allerdings nicht über das Netz geschehen: Es muss ausgedruckt und per Briefpost durch den realen Raum verschickt werden. Dadurch erhält die Kopie des Blackmails wieder den Status eines Originals. Auch mit dieser Arbeit setzt Hervé Graumann zwei im Alltag getrennte Systeme überraschend zueinander in Beziehung. Der User kann zwar bei dieser Arbeit nicht in die Programmierung der Tiefenstruktur eingreifen. Insofern ist das Stück so wenig interaktiv wie Raoul Pictor. Trotzdem erschliesst sich die Bedeutung des Werks erst durch eine Handlung. Viele Arbeiten von Hervé Graumann verbindet diese Beziehung zu einer nachvollziehbaren – oder zumindest in der Vorstellung vollziehbaren – Handlung der Betrachterinnen und Betrachter, ohne dass das in der Kunst mit neuen Informations- und Kommunikationstechnologien oft beschworene Modell der Interaktivität bemüht würde.

The blackmail office, 2001 – projet Internet / Internet project

The blackmail office, 2001 – projet Internet / Internet project

Der Eindruck von digitaler Bildproduktion stellt sich unweigerlich ein bei den grossen installativen Mustern, welche den Boden überziehen. Hier wäre das Transformationsprinzip der Addition, die rasche repetitive Geste von Copy und Paste, mit Händen zu greifen, hielte uns nicht die fragile Statik der komplexen Aufbauten auf Distanz. Das dreidimensionale Ornament verweigert dabei, auch wenn es sich zu unseren Füssen ausbreitet, den Überblick. Im Unterschied zu einem Muster auf der Fläche, verändert sich die räumliche Struktur mit jedem Blickwinkel. Jeder Einblick in die Anlage, jede statische Ansicht, vermittelt neue Nachbarschaften von Dingen und damit neue Bedeutungszusammenhänge und Einsichten. Mit einem Blick lässt sich das Muster animieren, ohne dass es sich bewegen würde. Sehen allein wird zur Handlung. Schädel, Spritze, Ei und Nagel, Cookie und CD-Rom versammeln sich auf Papptellern, Plastikbechern und Tischsets in ausgedehnter Wiederholung des Immergleichen weniger zu einer surrealen, als zu einer transrealen Szenerie. Schauend durchqueren wir mentale Landschaften, die sich in wechselnden Ansichten erschliessen.

Denk-Räume: Lost in Space

Zumindest in einem populären Wissenschaftsverständnis wird das menschliche Denken immer stärker durch eine mechanistische Logik und nach der Metapher von Betriebssystem und Anwendungsprogrammen interpretiert. Im Jahr 2002 verbringt Hervé Graumann mehrere Monate als Artist in residence im „département neurosciences cliniques et dermatologie (Neuclid)“ an der medizinischen Fakultät der „Hôpitaux universitaires de Genève“. Die Einladung eines Künstlers in ein medizinisches Forschungszentrum widerspricht dem Stereotyp. Die Auseinandersetzung mit den physiologischen Grundlagen des Denkens, und dem Alltag in einer Klinik, bis hin zum Verfolgen eines chirurgischen Eingriffs ins Hirn, war eine logische Weiterführung von Graumanns analytischen Umgangs mit dem eigenen Denken, mit jenem permanenten Selbstversuch, den seine künstlerischen Praxis bedingt. Neuclid Team Spririt, seine Arbeit für das Spital, besteht schliesslich in einem Mobile von „Rubin-Vasen“, die aus verchromten Metallplatten geschnitten wurden: Die Wahrnehmung dieser Vase kippt unvermittelt um in die Wahrnehmung zweier identischer Profile, die sich frontal gegenüberliegen, sich als Negativformen selber bespiegeln und damit das Sehen des Sehens als produktiven Vorgang erweisen. Indem Hervé Graumann für dieses bekannte optische Phänomen die Physiognomie der leitenden Ärzte aufnimmt, schafft er ein volatiles Gruppenporträt und bricht die Anonymität der Klinik auf. Bei seinen Untersuchungen des Denkens stösst selbst der wissenschaftlich objektivierende Forscher immer wieder auf sich selber als Gegenstand und Subjekt der Forschung zugleich. Teamgeist, soziales Vermögen, bleibt entscheidend in einem Team von „Geistern“, die in ihrer wissenschaftlichen Tätigkeit fortwährend mit sich selber am Tisch sitzen. Nur der Blick in den Spiegel mag das Phantom für Augenblicke zu bannen.

Durch die Erfindung von Regeln und Versuchsanordnungen für die Entdeckung von Bildern gleicht Graumanns Arbeit derjenigen eines Wissenschaftlers. Er hält seine eigene Präsenz in den Werken zurück, verlegt sich auf die Wahl der Basisstrukturen und der Transformationsmethoden. Seine Kunst hat darin eine aktuelle Entsprechung in den Arbeiten von Keith Tyson, der sich mit naturwissenschaftlichem Hintergrund an die Frage nach einem Welt-Bild wagt. Bei Tyson, wie bei Graumann, ist nur die eine Prämisse gewiss: Dass es kein zusammenhängendes, in sich geschlossenes Welt-Bild mehr geben wird. Dass vielmehr eine Vielzahl von Welten gleichzeitig bestehen und Einsichten nur durch methodisch gelegte Schnitte partiell erschlossen werden können. Tyson entwickelt „Artmachine iterations“ – Näherungen an Welten durch den Bau von Maschinen für die Kunstproduktion – und „Teleological Accelerators“: Beschleuniger der Teleologie. Hervé Graumann nutzt die Logik von Maschinen und Sprachen, um die Beschleunigung des Alltags schockartig in Augenblicken des Bewusstseins einhalten zu lassen. Seine Welt-Bilder stellen sich nicht als lesbare Tableaus ein, sondern in jedem Erstaunen, das im Umgang mit seinen Arbeiten unerwartet aufblitzt. Die Bilder der Welt, die Hervé Graumann erschliesst, beruhen nicht länger auf Festschreibungen, sondern in der Einsicht in Regeln, welche den bestehenden Zusammenhängen unerwartete Freiheitsgrade eröffnen. Das „Resample“ einer Kommode birgt keine festen Schubladen. Der Ort der Verwahrung hat selber keinen festen Ort mehr, auch wenn noch ein geschlossener Körper vor uns steht. Zu leicht könnten wir ihn uns anders denken.

In seiner künstlerischen Praxis bewegt sich Hervé Graumann ungehindert durch  virtuelle Räume und den euklidischen Raum. Die Voraussetzung bestimmter  Dimensionen ist nicht gegeben, sondern Gegenstand der Arbeit. Dabei entsteht unvermeidlich eine widersprüchliche Bewegung zwischen unbegrenzter Ausdehnung und Kontraktion, Addition und Deletion. Das Prinzip, nach dem ein Objekt von Hervé Graumann gebaut ist, löst den Raum auf, in dem es formuliert ist: Das Pixelgitter, das  in den Resamples die Dinge durchdringt, ist ebenso ein Prinzip der Integration wie der Desintergration.

Die Arbeit L.O.S.T. für Documenta X 1997 nimmt diesen Widerspruch durch eine kleine Erzählung auf: Im unbegrenzten, sich nach unzähligen Dimensionen masslos ausdehnenden, insofern „dunklen“ Raum des World Wide Web zeigen sich im kreisrunden Schein einer Taschenlampe die Spuren einer verlorenen Person. Je mehr wir nach ihr suchen, desto stärker verliert sie sich und wir mit ihr. Hervé Graumanns Welt-Bild verbindet die Unauslotbarkeit der Räume im weltweiten Computernetz mit der realen Erfahrung unheimlich finsterer Räume, wie wir sie aus unserer Kindheit kennen. Die grenzenlose Weite der Webwelt kann nur in kleinsten Aspekten ausgelotet werden, wie das All im Lichtkegel einer Taschenlampe. Durch die Anstrengung des Erkundens erschliesst sich nicht mehr von dieser Welt. Vielmehr stellt sich in einem Prozess ständiger Tilgung (Deletion)  ein Entzug des Raumes ein, bis am Ende des Vortastens im Netzraum von L.O.S.T. nur eine kryptische Mailadresse steht. An seiner hellsten Stelle droht im finsteren Raum ein Black Hole, aus dem keine Nachricht mehr nach aussen dringt.

Hervé Graumann entwickelt mit seiner Kunst keinen Überblick, er festigt kein Terrain, er konserviert keine Sprachen. Eine Arbeit von ihm ist weder die Fortsetzung noch die Widerlegung der vorausgehenden. Er bleibt jedoch im Unwegsamen, im Dunklen und Flüchtigen mit seiner spielerischen Genauigkeit unterwegs, um immer wieder neue Methoden zu suchen, nach denen wir Welt-Bilder, wie Momentaufnahmen, finden. „Finstere Räume lassen sich nicht besitzen, nur benutzen“.

Hans Rudolf Reust in Monography HG 

Barbara Basting – “Digitale Flugobjekte”

Overwrite V, 1999 – animation

Drei Videomonitore stehen nebeneinander. Jeder von ihnen zeigt einen unaufgeräumten Spülstein, der zum Exerzierfeld einer mysteriösen Choreographie wird: pausenlos schwirren Gegenstände, Teller, Löffel, Gläser wie von Geisterhand bewegt durch den Raum, werden auf sich selbst abgelegt oder, wenn das Band rückwärts läuft, von ihrem Platz weggenommen. Bei der fesselnden Installation handelt es sich um eine Computerarbeit aus der “Overwrite Series” (seit 1991) des Genfer Künstlers Hervé Graumann. Die übliche Erfahrung, dass ein entferntes Objekt eine Leerstelle hinterlässt und ein hinzugefügtes Platz braucht, wird kraft der uns noch weitgehend unvertrauten Regeln des virtuellen Sehraums auf verblüffende Weise aufgehoben. Ein Beispiel aus der Serie war im Rahmen der “Media-Skulptur ‘99” im Kunsthaus Langenthal zu sehen, eine noch verwirrendere Variante wird derzeit im Rahmen von Graumanns Einzelausstellung im Genfer Centre Saint-Gervais gezeigt.

Computerkunst ist steril, technoid, langweilig, unkreativ. So lauten die gängigen Vorurteile. Graumann, der an der Genfer “Ecole Supérieure de l’Art Visuel” anwendungsbezogen Informatik unterrichtet, hält dagegen, dass der Computer für Künstler ein “ernstzunehmendes, sehr interessantes” Arbeitsmaterial sei. Vorausgesetzt, man steigt auf der richtigen Systemebene ein. Das ist nicht unbedingt die Benutzeroberfläche. “Mich interessiert der Gebrauch, nicht die Technologie”, wehrt er den Verdacht ab, er sei ein Software-Aficionado. An der Informatik gefalle ihm, dass sich an einem bestimmten Punkt alles auf digitale Informationen zurückführen lasse – um dann wieder Bild, Ton, Text zu werden. Genau an diesem Flaschenhals der Umcodierung setzt er mit seinen Operationen an.

Natürlich lasse ihn die Technologie nicht kalt: “Sie ist smart, elegant – zumindest wenn sie funktioniert”. Schliesslich habe sie unsere Welt viel wirkungsvoller umgekrempelt als beispielsweise der Humanismus. Den 1963 geborenen Künstler beschäftigt die Frage nach den Konsequenzen der neuen Technologien für die Gesellschaft; es erstaunt kaum, dass er sich mit Autoren wie Paul Virilio auseinandersetzt. Das Bewusstsein, Zeuge eines epochalen Umbruchs zu sein, treibt ihn ebenso um wie die Einsicht, zur letzten Generation zu gehören, die noch ohne die neuen Technologien aufgewachsen ist, die noch nicht systematisch auf diese geeicht wurde – anders als seine nur um wenige Jahre jüngeren Schüler, für die sie schon eine oftmals unkritisch hingenommene Selbstverständlichkeit sind.

Graumanns Installation “Raoul Pictor cherche son style…” (1993) exerziert mit abgründigem Charme vor, was der Computer und die Informationstechnologien in letzter Konsequenz für die Kunst und für unsere überkommenen Erwartungen an sie bedeuten. Der Maler Raoul Pictor ist ein Homunculus, dessen Atelier sich auf der Website www.raoulpictor.com findet. Neben einer Ausstellungsliste – Raoul Pictor nahm zum Beispiel an der Biennale von Lyon 1995 teil – gibt es auch eine Bibliografie. Graumann spricht von seinem Computergeschöpf wie ein Galerist, der das tolle Treiben seines Künstlers mit neugieriger Zuneigung beobachtet. Auf der virtuellen Staffelei von Raoul Pictor entstehen automatisch “Gemälde”, sprich Computerbilder. Ein Algorithmus kombiniert die eingegebenen Formen immer neu, der Drucker spuckt ein buntes Bild nach dem anderen aus.

Eine Neuauflage der “Peinture automatique”, ein weiterer Angriff auf die unausrottbare Idee des künstlerischen Originals? “Nein, mir geht es um die Funktionsweise des Computers, das darin verborgene Potential. Warum soll ich meine Maus nehmen und immer neue Bilder malen, die doch immer die selben sind, weil das Ausgangsmaterial identisch bleibt? Also übernimmt doch besser gleich die Maschine die Arbeit und schöpft die Möglichkeiten voll aus. Das Thema ist klassisch: Der Maler im Atelier, vor seiner Staffelei, malt Bilder – aber mich kümmert’s wenig, was er macht, ich gebe ihm nur die Regeln vor, lasse ihn komponieren. Raoul Pictor produziert. Sind Künstler nicht Menschen, die ständig produzieren?” fragt er ironisch.

Wirklich kreativ sind im Computerzeitalter, das legt die Arbeit nahe, nur diejenigen, die im Hintergrund die digitalen Codes steuern. Sie entwerfen die Regelwerke der Produktion. Die perfide Kunstfalle “Raoul Pictor” erweist sich so als scharfe Analyse der Diskrepanz zwischen den standardisierten, normierten Produktionsbedingungen, denen wir unterworfen sind, und überhöhten Erwartungen an die Kunst.

Aber wen erreichen solche Arbeiten, wer interessiert sich dafür? So unverkrampft und pointiert wie sein Werk ist auch Graumanns Anspruch. “Wir leben in einer Welt, die versessen aufs Brauchbare ist. Alles muss zu etwas gut sein. Dabei gibt es doch zehntausendmal mehr Dinge, die zu nichts taugen. Aber man verzichtet darauf, sie herzustellen, weil sie nicht brauchbar sind. Die Poesie besteht darin, Dinge zu erfinden, Sätze, die plötzlich keinen Sinn mehr haben, die aber ein Fenster öffnen. Dinge, die nicht brauchbar sind. Wir sind nicht nur Konsumenten.”

Den Computer-Konsumenten führt die Internet-Arbeit “l.o.s.t.”, mit der Graumann auf der Documenta X vertreten war, an der Nase herum. Per Mausklick steuert man nicht wie gehabt einen Prozess, sondern verfängt sich in einem rätselhaften Gespinst aus Wörtern und Sätzen.

Eine seiner Arbeiten, die im Centre Saint-Gervais gezeigt wird, liegt dem Künstler besonders am Herzen: Eine Reihe von willkürlich im Raum verteilten Stehlampen, die durch vorprogrammierte Schaltkreise schnell ein- und ausgeschaltet werden. “Etwas, wohinter normalerweise eine Intention steckt, deren Umsetzung Zeit braucht – man muss aufstehen, zum Schalter gehen – geschieht hier vollautomatisch, rasend schnell. Ausserdem kommt die Arbeit mit dem aus, was gerade greifbar ist”. Da ist sie, die Verbindung zur Tellerwanderung: dieselbe Ökonomie der Mittel, dieselbe Reflexion über unsere durch Computer schleichende, aber tiefgreifend veränderte Wahrnehmung von Zeit, Raum, Handlung und Identität.

Barbara Basting in Weltwoche nr 6 – 10/02/2000